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Donner un prénom...

8 juin 2009
Que ce soit un casse-tête ou une évidence parce que l’on sait depuis des années, avant même qu’ils soient conçus, comment nous souhaitons prénommer nos enfants, le choix des prénoms n’est jamais anodin.

Il n’y a qu’à voir le nombre de questions et de remarques  que suscite ce sujet dès l’annonce de la grossesse… Entre celui qui vous supplie de ne pas choisir Tartempion parce que Tartempion était un de ses collègues peau de vache entre 1979 et 1984, la future grand-mère qui aimerait que votre fille porte le prénom de sa grand-mère à elle, les choix qui paraissent trop audacieux, trop classiques, trop entendus, trop « inventés », trop dissonnants, trop mignons (« ah oui, c’est mignon pour un bébé, mais tu as pensé à lui quand il devra chercher du boulot ? »), trop « ah oui mais non, c’est juste pas possible avec votre nom de famille »…

Que cette quête du prénom soit source de suées froides ou de plaisir pour vous, Ti-Bahou a prospecté dans différentes cultures pour partager avec vous des traditions, pratiques, croyances qui tournent autour du prénom.

Si vous souhaitez faire partager les traditions de votre culture, contactez-nous ! C’est avec un grand plaisir que nous enrichirons cette rubrique.
 

Quand le prénom est-il donné à l’enfant ?

Dans les pays européens, le choix du prénom précède généralement la naissance de bébé ou est en tout cas immédiat. En France, bébé doit être déclaré avec son état civil dans les 3 jours qui suivent sa naissance et la quête du prénom commence parfois dès l’annonce de la grossesse.

Mais ailleurs, il arrive que l’on prenne bien plus de temps pour trouver le prénom de son enfant, soit que l’on a peur que trop anticiper le choix du prénom attire le malheur, soit que l’on préfère attendre de mieux connaître l’enfant afin de lui donner un prénom qui reflète sa personnalité et sa façon d’être.

Attendre pour refléter au mieux qui est l’enfant

Dans certains pays d’Asie, tous les enfants sont nommés à la naissance « petite souris ». Ils ne reçoivent leur prénom définitif qu’à l’âge de six mois car on attend que l’enfant affirme son caractère, de le découvrir et c’est en fonction de ce qu’il aura montré de lui-même qu’on choisira son prénom.

Dans d’autres cultures, au Soudan, au Sénégal, on peut attendre de un mois à un an avant de donner à l’enfant le nom d’un ancêtre dont il aura affirmé des traits physiques ou moraux similaires.

Attendre que l’enfant soit "en âge de comprendre"

Chez les indiens Tucanos d’Amazonie, l’enfant n’est prénommé qu’à l’âge de trois ans, car on estime qu’il est alors capable de comprendre. Avant cet âge tous les enfants sont appelés « sans nom ».Chez les Txikaos ce n’est que lorsque le bébé sait tenir sa tête droit tout seul qu’il reçoit un nom : on estime qu’avant cette date il n’est pas terminé biologiquement.

S’assurer de la bonne santé du nouveau-né

Dans beaucoup de cultures du monde, la nouvelle maman et son bébé doivent respecter une durée de réclusion, plus ou moins grande, et ce n’est qu’à l’issue de cette période que l’enfant va acquérir une existence sociale et être prénommé. C’est généralement le cas en Afrique subsaharienne, et ce délai correspond souvent à celui que l’on juge nécessaire pour être assuré de la bonne constitution du bébé.

Pas de prénom officiel avant l’entrée effective du bébé dans la communauté

Dans certaines traditions musulmanes, le choix du prénom intervient au 7ème jour après la naissance, jamais avant. C’est à ce moment-là qu’a traditionnellement lieu la « akika » , célébration de la naissance de l’enfant, dont les rites diffèrent d’un lieu à l’autre.

Dans les traditions juives, que l’on retrouvait en Alsace, le bébé ne devait pas être nommé publiquement avant la cérémonie de la circoncision, afin de ne pas attirer sur lui l’attention de forces maléfiques.

On retrouve exactement la même tradition chez les catholiques ou les protestants, jusqu’au 19e siècle :  on devait éviter de prononcer le nom du bébé avant son baptême.

 

Prénommer l’enfant le plus tôt possible

A l’inverse, dans certaines régions de Turquie, le prénom doit être impérativement choisi avant la naissance car la sage-femme doit le prononcer au moment-même où elle coupe le cordon, afin que le nouveau-né ait une identité dès cet instant.
La même tradition se retrouve en Malaisie. Mais il y est possible de changer de prénom à plusieurs reprises par la suite.
 
Chez les Inuits également, le prénom est donné au plus tôt. En effet, on estime que l’ « âme-nom » est liée à l’ « âme-vie » de l’enfant, et ne peut entrer en lui qu’une fois qu’on lui aura chuchoté son prénom à l’oreille. Si cette âme n’est pas intégrée au corps du nouveau-né, celui-ci risque de tomber gravement malade. D’ailleurs dans ces cultures, on explique que si l’enfant crie à la naissance, c’est pour réclamer un prénom.

Quel prénom ?

Le prénom d’un ancêtre

Bien souvent, dans de nombreuses cultures, le prénom est celui d’un ancêtre. Il situe l’enfant dans une lignée. C’est le cas dans beaucoup de cultures africaines (où souvent ce prénom reste secret, connu du seul intéressé et de sa famille proche) mais également dans nos civilisations européennes où il est fréquent de donner le prénom d’un grand-parent ou d’un arrière-grand-parent, en premier ou deuxième et troisième prénoms.

Dans certaines cultures, le choix du prénom est remis au sort ou à la divination. Les Soussous (Guinée-Conakry) trempent une bague dans la pâte de riz et la projettent à plusieurs reprises sur un mur enduit de cendre et d’eau en prononçant le nom d’un défunt. Quand la bague reste collée c’est le signe que ce défunt habite l’enfant qui héritera donc de son nom.

Un prénom lié au jour ou aux circonstances de la naissance

En Afrique ou en Amérique latine, on donne parfois le nom du jour de la semaine de la naissance de l’enfant ou encore le saint du jour. C’était longtemps le cas également en France et dans les Antilles, où, du coup, les "fête Nat" ou "Ascension" n'étaient pas rares.

 

Dans bien des cultures les prénoms de font pas l’objet d’une liste ou d’un « officiel des prénoms » mais sont totalement créés pour chaque enfant.
 
Généralement, dans les sociétés asiatiques, le prénom a une signification, renvoyant à une qualité morale, un élément de la nature ayant une portée symbolique particulièrement forte, une référence à un événement survenu au moment où le bébé arrive dans la famille… Le prénom n’est pas toujours choisi parce qu’il est beau.
En Chine, tous les éléments composant les sinogrammes doivent être pris en compte pour créer un prénom : la sonorité, la signification et l'aspect graphique. Il doit permettre de situer l’enfant dans sa lignée, peut prendre en compte l'horoscope, les circonstances de la naissance, sa date, l’histoire de la famille et chercher à porter chance à l’enfant pour sa vie future.
 
Dans beaucoup de sociétés africaines, le prénom fait parfois référence au lieu de naissance : le prénom pourra signifier « homme de la brousse par exemple » ou aux circonstances de la naissance. Ainsi, un enfant né par le siège pourra porter un prénom signifiant « né à l’envers".

 

 

Il est également fréquent, en Afrique, en Chine, au Vietnam…, de donner comme prénom à l’enfant son rang dans la fratrie. Ainsi, le prénom Samba, qui est très fréquent en Afrique de l’Ouest, signifie « deuxième fils » en pulaar. D'ailleurs plusieurs prénoms occidentaux sont également issus de cette tradition, même si le sens en est bien souvent oublié : Quentin, Sixtine...

 

  

Dans certaines sociétés de l’Islam, on doit lire le Coran pendant les huit jours qui suivent la naissance de l’enfant. La lecture s’arrête à 10h30 le huitième jour et le dernier prénom lu est donné au bébé.

 

  

Un prénom choisi par l’enfant

 

Dans certaines cultures on laisse à l’enfant « le choix » du prénom. Selon les cas on crie ou alors on murmure à l’oreille du bébé une liste de prénoms en guettant ses réactions afin d’interpréter l’approbation ou le rejet du prénom proposé. Cette tradition se retrouve chez des peuples aussi divers que les Mossis, les Inuits ou certaines sociétés asiatiques !

 

Plusieurs prénoms ?

Dans plusieurs cultures on trouve la pratique du double prénom, un prénom officiel, public, et un prénom intime, partagé par la famille la plus proche.

Ainsi dans la tradition vietnamienne, on donne au bébé  deux prénoms, un prénom public et un prénom « intime » afin de tromper le mauvais génie qui, attiré par un beau prénom pourrait emporter le bébé encore fragile. Généralement l’enfant garde ces deux prénoms mais arrivé à l’adolescence puis à l’âge adulte, c’est le prénom « officiel » qui restera d’usage.

On retrouve cette tradition dans la pratique de familles ayant quitté leur pays. Ainsi, par exemple, dans la communauté vietnamienne vivant en France il n’est pas rare que l’enfant ait deux prénom : un prénom français et un prénom vietnamien. Le premier est le prénom public, qui joue son rôle d’intégrateur social. Le second est le prénom intime, utilisé dans le cadre familial.

En France, pour l’état civil, vous pouvez choisir de ne donner qu’un prénom à votre enfant ou deux, trois, quatre. Plusieurs utilités à cette possibilité :

-          distinguer les homonymies en cas de prénom et de nom courants

-        donner la possiblilité à l’enfant de choisir, plus tard, entre plusieurs prénoms
-         rendre hommage à des membres de la famille, de l’entourage, au parrain et à la marraine

Quelle que soit la culture, on voit que le choix d’un prénom est fortement ancré dans l’histoire, le vécu, la culture. Donner un prénom à son enfant n’est jamais un acte anodin, il le fait entrer dans une communauté et les choix que nous opérons ont toujours une signification particulière. Donner un prénom à la mode, tenter de se démarquer à tout prix, chercher un prénom « sérieux » en pensant à plus tard, chercher une connotation exotique ou faisant référence à de lontaines origines familiales...

Et vous, comment avez-vous choisi le prénom de vos enfants ?

 

Sources :

Exposition « Naissances » au Musée de l’Homme

Venir au monde, les rites de l’enfantement sur les cinq continents, Lise Bartoli, Petite bibliothèque Payot,  dernière édition 2007